En ouverture du congrès européen de Saint-Pétersbourg avaient lieu les phases finales du championnat d’Europe par équipes. La France était qualifiée et faisait face à la Roumanie, l’Ukraine et la Russie. Allaient-ils conserver leur titre de champions d’Europe ? Un article suivi d’une interview du capitaine de l’équipe de France.
Le vendredi 22 juillet avaient lieu les premiers matchs : tandis que l’Ukraine battait facilement la Roumanie 4-0, la Russie dominait la France 3-1, malgré la victoire de Benjamin Dréan-Guénaizia face à Alexander Dinerchtein. Cela compromettait les chances de titre de la France.
Cependant, la France réagissait dès le lendemain en arrachant le nul face à l’Ukraine, tandis que la Russie battait la Roumanie 3-1. Les russes semblaient se diriger vers un titre à domicile, mais l’équipe ukrainienne venait contrecarrer leurs plans en les battant 3-1 dans la dernière manche, devenant ainsi pour la première fois championne d’Europe. La France, qui bat la Roumanie 3-1, finit sur la dernière marche du podium, à deux points seulement d’un nouveau titre de champions d’Europe.
Nous avons pu nous entretenir avec le capitaine de l’équipe de France, Antoine Fenech, pour en savoir plus sur la compétition et le fonctionnement de l’équipe.
RFG : Bonjour Antoine. Tout d’abord, peux-tu nous expliquer le principe du championnat (Pandanet European Go Team Championship) ?
Antoine : Le championnat a été créé il y a six ans. C’est une des premières compétitions d’envergure à se dérouler sur Internet. Les pays européens participants sont répartis en trois divisions, avec un système de montée-descente ; la France a toujours été en première division. En première division, il y a dix équipes et on dispute un match (quatre parties disputées par des joueurs différents) par mois, généralement le mardi soir, sur Pandanet, le sponsor de la compétition qui débourse environ 20 000€ par an. À la fin de la saison, les quatre meilleures équipes sont invitées à disputer les finales en ouverture du congrès européen.
La France participe souvent à cette finale ?
On y a participé 4 fois en 6 ans. Au départ, on ne s’y attendait pas et on pensait plutôt jouer la relégation. Mais on a vu qu’on se mêlait à la lutte pour la qualification, et depuis c’est devenu notre objectif… jusqu’à la victoire finale l’an dernier.
Qu’est-ce que cette victoire a changé ?
Je pense que c’est un moteur pour le go français. Grâce à cette compétition, on a un objectif à l’échelle européenne. Actuellement, être champion d’Europe, c’est probablement encore un peu trop dur pour Thomas Debarre, Tanguy Le Calvé ou Benjamin Dréan-Guénaïzia. Mais devenir champions par équipe, grâce à l’apport de Fan Hui, c’était à notre portée.
Et la finale de cette année, qu’en as-tu pensé ?
On est arrivés en moins bonne posture que l’an dernier, puisqu’on était quatrièmes de la phase régulière. On tombe donc contre la Russie, à domicile, dès la première ronde, et on a probablement eu trop peur d’eux. Cette défaite inaugurale compromet nos chances de titre… mais on s’aperçoit à la fin qu’on n’est pas loin, la Russie perdant contre l’Ukraine contre lesquels on avait fait nul ! Finalement, ça nous montre que, même sans Fan Hui, le titre est à notre portée, et ça nous motive d’autant plus pour l’an prochain… même si la phase qualificative sera toujours très difficile.
Quand on regarde les résultats, on s’aperçoit que la France est assez seule parmi beaucoup de pays d’Europe de l’est. Comment expliques-tu ça ?
On a une équipe jeune et un excellent état d’esprit. Si on regarde nos voisins allemands, ils ont aussi des jeunes assez forts (Krämer, Obenaus, Welticke…) mais ils font encore jouer l’ancienne génération, et ils naviguent entre la première et la deuxième division. Nous, on a réussi à intégrer nos jeunes montants au fur et à mesure (Tanguy Le Calvé, Benjamin Dréan-Guénaïzia, et maintenant Denis Karadaban). J’espère qu’on aura encore un ou deux nouveaux joueurs d’ici deux ou trois ans !
À propos de ton rôle de capitaine, justement : comment fais-tu pour choisir la composition de l’équipe à chaque ronde ?
C’est très simple, j’envoie un mail à l’équipe avant chaque match pour voir qui est disponible. Parmi les personnes qui me répondent favorablement, j’essaye de construire l’équipe la plus compétitive. Notre équipe est assez homogène, donc l’absence d’un seul joueur est rarement rédhibitoire. On a aussi un principe : un joueur qui a gagné sa partie a le droit de rejouer s’il le souhaite le match suivant.
Est-ce que tu prends en compte l’adversaire, par exemple si un joueur français a de très bons résultats contre l’un d’eux ?
Bien sûr ! Par exemple lors de la finale, Thomas Debarre était très triste après ses deux défaites d’entrée. On aurait pu changer l’équipe pour le dernier match contre la Roumanie, mais Thomas a toujours été très motivé par ses parties contre Catalin Taranu… On a donc fait le choix d’aligner la même équipe, et bien nous en a pris.
Entre deux saisons, y a-t-il des départs ou des arrivées au sein de l’équipe ?
La première année, notre équipe était expérimentale avec plusieurs « anciens » joueurs présents. De cette génération, seul Fred Donzet a joué activement et a continué à participer. Aujourd’hui, il ne joue plus mais fait toujours partie de l’équipe, qui n’a donc connu aucun départ depuis la deuxième année. On a aussi intégré peu à peu les jeunes montants (Benjamin, Tanguy et Denis) comme je le disais tout à l’heure. On a aussi eu l’apport de Fan Hui, qui est devenu français et a intégré l’équipe, et nous a aidés à devenir champions d’Europe. Cette année, il a eu moins de temps disponible et a pris du recul par rapport à la compétition. Mais comme nous ne sommes pas limités en nombre, on garde ces joueurs inactifs si ils veulent reprendre. Et évidemment, on continuera à intégrer tout jeune qui arrive 5ème dan !
Te vois-tu continuer ce rôle de capitaine de l’équipe de France longtemps ?
Tant qu’on gardera cet état d’esprit, cette motivation et cette dynamique, et tant que les joueurs n’en ont pas assez, je reste ! Il faut bien comprendre qu’on a un fonctionnement assez différent des autres pays, qui s’appuient souvent sur un noyau dur de 4 ou 5 joueurs. Ils partagent les subventions et les prix en moins de parts, mais il faut qu’ils soient disponibles à toutes les rondes… Je pense que notre force réside dans cette spécificité d’être un groupe de 7-8 joueurs. En tout cas, en tant que capitaine, c’est comme ça que je vais continuer à gérer l’équipe de France.
Merci Antoine de t’être rendu disponible pour nos lecteurs !
Merci à vous !
Nos champions et leurs drapeaux représentatifs (photo de Charlotte Vielfaure)
Deux parties ci-dessous : Thomas Debarre (blanc) contre Catalin Taranu et Benjamin Dréan-Guénaïzia (blanc) contre Andrij Kravec