Jeudi 11 mai 2017, George Perec entre à « La Pleiade ».
Lauréat du Prix Renaudot 1965 pour son premier roman, Les Choses. Une histoire des années soixante, et du Prix Médécis 1978 pour La vie mode d’emploi, il est aussi connu des joueurs de go pour son Petit traité invitant à la découverte de l’art subtil du go en 1969.
Et la RFG n°1 de débuter ainsi :
Éditorial
1968.
Le Go arrive en France. Quelques joueurs se retrouvent dans l’arrière-boutique de l’Impensé Radical. Ils ont pour nom Lusson, Perec, Roubaud.
En 1982, on apprends que celui qui a écrit en préambule de La vie mode d’emploi, qu’ il y a quelque chose de commun entre l’art du puzzle et l’art du go, ne jouera plus …
Perec ne jouera plus …
Benoit Landais, RFG n°14, page 5.
« Il n’est qu’une activité qui se laisse comparer au jeu de Go : l’écriture ». Tel est l’exergue du « Petit traité invitant à la découverte de l’art subtil du Go » (1). Il me plaît de penser que PEREC en est l’auteur, son écriture est tout le reflet de cette découverte.
Il inventait des règles précises auxquelles il se soumettait pour évoluer si librement qu’il faut bien admettre qu’avec Jacques Roubaud (2) que ces contraintes étaient sa liberté. Il a réussi, avec « La disparition » (3) le tour de force d’écrire une chaleureuse fiction de trois cents pages sans jamais utiliser la lettre e.
Perec se jouait des mots, jouait avec les mots, jouait sur les mots. Cruciverbiste, il était l’auteur de nombreuses grilles. Il construisait ses phrases avec le même sérieux jusqu’à ce que les mots s’y imbriquent telles les pièces d’un puzzle.
Dans « Les Choses » (4), il raconte la course à la consommation d’un jeune couple moderne des années soixantes face aux obstacles que la vie oppose à la quête du bonheur. Une fois de plus, par jeu, sa facétie lui fait dire que « ce bonheur demeure un possible ». Perec répugnait à nous donner ses clefs, elles alimentaient l’écriture et cela devait nous suffire.
Son chef d’œuvre sera « La Vie mode d’emploi » (5). Il y entrelace dans le culte du détail les vies de tous les habitants d’un immeuble parisien. Ses descriptions y sont aussi méticuleuses et précises que fictives et tout y apparaît plus vrai que vrai. Cette éblouissante démonstration, mêlant les genres, du catalogue à l’intrigue policière, est une agréable façon se poser les yeux sur ce que nous avions fini par ne plus voir. Le livre refermé on ne peut se résoudre à admettre le voyage terminé ; on attend d’autres Perec. Il a remis à son éditeur la première partie du roman qu’il était en train d’écrire, le dernier Perec qu’il nous sera donné de lire (6).
Perec a jeté un pont entre le jeu et l’écriture. Il demeurera un des principaux artisans de l’essor du Go en France. Salut et merci, Perec.
(1) Petit traité invitant à la découverte de l’art subtil du go, Perec – Roubaud, Christian Bourgois.
(2) Roubaud, « La contrainte créatrice », Le Monde 12 III 82.
(3) La Disparition, Denoel.
(4) Les Choses (Prix Renaudot 65), Juliard.
(5) La Vie mode d’emploi, P.O.L Hachette 78.
Voir aussi un interview de Perec sur les jeux dans « Jeux et stratégie » N°1